Une erreur souvent croisée en entreprise en rebond : une analyse des coûts inadaptée à la dynamique du changement

Dans une société en rebond, il faut vite évaluer les leviers opérationnels pour ensuite les activer, afin de rapidement redresser la rentabilité de l’entreprise

Une des grilles de lecture usuelle est le recours à l’analyse des coûts de revient et des marges.

Typiquement, imaginons que dans une société industrielle, une ligne de produits est déficitaire ; faut-dès lors arrêter cette ligne ? A l’inverse, un investissement permettant d’augmenter les volumes d’une ligne de produits déficitaire qui restera déficitaire post investissement est-il générateur de valeur ?

Les réponses sont évidentes : si l’entreprise fait face à des pertes et qu’une ligne de produits est déficitaire, il convient évidemment d’arrêter ladite ligne de produits. De même si la rentabilité d’une famille de produits est négative, il ne faut surtout ne pas investir sur cette ligne de produits, sauf à ce que la rentabilité redevienne positive post investissement.

Ces réponses évidentes sont cependant peut être erronées si le raisonnement est fondé sur une analyse en coûts complets, ce que l’on voit souvent.

Pour mémoire, l’approche des coûts complets consiste à allouer au prix de revient tous les coûts de l’entreprise, qu’ils soient fixes ou variables. Cette approche est intellectuellement satisfaisante car tous les coûts sont pris en compte via des clés de répartition précises ; elle est néanmoins source de nombreuses erreurs de gestion.

En effet, il faut raisonner en termes de coût marginal et non en termes de coûts complet. Le coût marginal représente le coût de fabrication de la dernière unité fabriquée (ou de la prochaine unité fabriquée). Dit différemment, il ne faut tenir compte que des coûts variables.

Reprenons l’exemple de la ligne de produits dont le coût complet est déficitaire. L’arrêter ne permettra en aucun cas d’économiser les charges fixes allouées à cette unité de production. Ainsi en toute hypothèse, sauf à réussir à sous-louer immédiatement la partie de l’atelier dédié à cette activité, il n’y aura aucune économie de loyer. Et de même pour la quote part des salaires de la direction, des honoraires comptables etc., alloués comptablement à cette ligne dans l’analyse de coûts complets mais qui seront toujours des dépenses post arrêt de la ligne.

De même investir dans une ligne déficitaire (mesuré en coût complet) et qui restera déficitaire post investissement peut être bénéfique, même si cela semble contre-intuitif. Tout simplement car l’augmentation de sa contribution marginale comparée au montant investi peut générer un retour sur investissement très avantageux. Autrement dit, la contribution marginale (positive) sera augmentée peut-être considérablement relativement au montant à investir. Ceci peut tout à fait arriver si la ligne de production souffre d’un goulot d’étranglement que l’investissement viendra supprimer, permettant une augmentation de la cadence globale de la ligne. Et ceci reste vrai même si en termes de coûts complets l’investissement ne fait que réduire la perte qui restera négative.

Peut-être faudra il en parallèle réduire les frais de structure afin que sa contribution en coût complet soit positive : une société ne peut évidemment pas survivre avec uniquement des lignes dont les contributions en coût complet serait négative ! Mais cette réduction des frais fixes participe d’une autre logique, celle de l’adéquation des frais de structure à la bonne marche de la société.

En résumé, attention à l’emploi des coûts complets pour des prises de décisions dans des sociétés en fort changement. Ce type d’analyse est source de nombreuses erreurs de gestion que l’on croise souvent dans les sociétés en difficulté.

L’origine de cette erreur tient au fait que l’analyse en coûts complets convient très bien à une société stable, sans besoin de réorganisation important. Mais si la société génère des pertes opérationnelles, il convient de mettre en place des changements parfois importants.

Une approche en contribution sur coûts variables sera infiniment plus pertinente.

En réalité la meilleure approche consistera à comparer les cash flows associés aux deux scénarios suivants : en premier lieu le statu quo et en second lieu la prise en compte de l’action envisagée (arrêt de la ligne ou investissement dans notre exemple).

Pour aller plus loin sur ce sujet, se référer à l’ouvrage d’Evaluation des Coûts de Claude Riveline.

Cet ouvrage présente des idées nées non pas dans les systèmes académiques théoriques, mais dans la pratique des chantiers, des ateliers et des bureaux. En effet, l’auteur a pu conduire des centaines d’études au sein des organisations les plus variées. Ce traité est donc tout naturellement le fruit d’une constante confrontation avec la réalité de la vie des affaires. Le cœur du message est simple : « le coût d’un bien n’existe pas », à méditer…